mardi 19 mai 2009

The boat that (almost) rocked

Au milieu des années 60, alors qu'une bonne partie de la jeunesse britannique cédait aux sirènes du rock'n roll, les radios officielles demeuraient bien frileuses dans leur programmation, et c’est aux radios pirates hébergées sur des navires au large des côtes anglaises que revint le privilège d’accompagner le déferlement de créativité qui s'abattit pendant quelques années sur le monde de la pop music, ces stations devenant de fait les porte-paroles de toute une génération. L'histoire fascinante de ces pionniers offrait un matériau intéressant pour un film; c’est aujourd'hui chose faite avec Good Morning England, titre « français » de The boat that rocked.
Personnages haut en couleurs, casting brillant, bande originale imparable constituée de standards sixties… sur le papier, Good Morning England à tout pour plaire. Pourtant il y a fort à parier que l’amateur de rock sortira de la séance, au mieux frustré, au pire irrité. Where have all the good times gone ?
Le problème se résume au nom du scénariste / réalisateur : Richard Curtis . Pour situer le bonhomme, si vous tombez en allumant votre téléviseur sur une comédie romantique dans laquelle Hugh Grant arbore cet air irritant entre niaiserie et cynisme ayant fait sa renommée, il y a de fortes chances pour que ce soit Curtis qui en ait signé le scénario. On ne s'étonnera donc pas de retrouver dans Good Morning England les grosses ficelles habituelles du "feel good movie" à l’anglo-saxonne. Alors oui, les personnages sont attachants, les dialogues font souvent mouche, et l'ensemble est emballé avec un savoir-faire auquel ne sauraient prétendre la majorité des comédies françaises (ici, sur un sujet similaire, nous aurions sans doute eu droit à Franck Dubosc en animateur de NRJ au début des années 80 lançant trois vannes miteuses sur l’ensemble du film, toutes soigneusement condensées dans la bande-annonce histoire de faire saliver le spectateur lambda).
Difficile pourtant de ne pas tiquer devant la reconstitution rose bonbon des sixties (qui comme chacun le sait était une période dorée ou tout le monde passait ses journées à écouter les Kinks dans la joie et la bonne humeur à l’exception de quelques rabats-joie en costard-cravate). Et quand le générique de fin fait défiler les pochettes de grands classiques de l’histoire du rock, au milieu desquels on reconnaîtra, entre un Nevermind ou un London calling, des albums des Black Eyed Peas (!) ou de Duffy (!!), l‘escroquerie devient manifeste.
A l'instar de ces publicitaires utilisant à longueur d’années les chefs-d'œuvre de la pop en guise de bande-son pour nous vendre leur camelote, Richard Curtis se sert du rock pour mettre un peu de piment dans sa soupe. Good Morning England est un film plaisant mais lisse, nettoyé de tout l'aspect subversif de la contre-culture qu'il prétend dépeindre. L’'Oeuvre définitive sur le sujet reste donc à tourner.

Une proposition que vous ne pouvez pas refuser

Dans la série « on se demande pourquoi ce film n’est toujours pas sorti pas en France », voici The Proposition, de John Hillcoat.
Australie, fin du 19ème siècle. Le capitaine Stanley (Ray Winstone) est à la poursuite du sanguinaire bandit de grand chemin Mike Burns (Danny Huston). Il parvient à capturer ses deux frères et propose à l’ainé Charlie (Guy Pearce) de débusquer Mike et de le tuer, faute de quoi le benjamin de la famille sera pendu à sa place. Pendant que Charlie part en territoire hostile à la recherche de Mike, Stanley est tourmenté par des dilemmes moraux sous le regard désemparé de sa femme (Emily Watson).
Auteur du sombre Ghosts of the civil dead, John Hillcoat souhaitait mettre en images un western typiquement australien qui lui permettrait de traiter en filigrane de l’histoire tourmentée de son pays, et en particulier des rapports entre aborigènes et immigrants britanniques. Il a confié à son ami musicien Nick Cave la tâche d’en écrire le scénario, et Cave dont c’est le premier travail de ce genre s’est admirablement acquitté de la tâche. L’histoire donne le temps à tous les personnages d’exister, et dépeint sans emphase mais avec beaucoup d‘humanité, les rapports de haine ou d’affection qui les divisent ou les unissent.
Car il est au fond beaucoup question d’amour dans ce film par ailleurs âpre, violent, et formellement très abouti , bénéficiant d’une bande originale envoûtante signée… Nick Cave, évidemment.
On reparlera bientôt de John Hillcoat puisqu’il vient de signer l’adaptation du roman de Cormack McCarthy, La Route, avec Viggo Mortensen dans le rôle principal.
The Proposition est disponible en import blu-ray (non zoné, sous-titré en anglais) édité par First Look Entertainment.