dimanche 19 avril 2009

Etre et avoir été

Tout commence par un coup de foudre... une chanson entendue à la radio, un album recommandé par un ami,un concert où vous avez mis les pieds un peu par hasard... Tout d'un coup c'est l'obsession, cet artiste ou ce groupe que vous venez de découvrir parait ne s'adresser qu'à vous, les paroles vous parlent, bientôt c'est la lune de miel, d'ailleurs vous emmenez partout avec vous le baladeur contenant le précieux sésame musical...
Les années passent, l'histoire d'amour perdure mais se fait plus raisonnée, vous prenez un peu de recul et jugez peut être plus sévèrement les nouveaux albums de votre groupe fétiche. Passée une décennie de cohabitation musicale, l'usure commence à se faire sentir, vous lorgnez de plus en plus ouvertement sur ces nouvelles formations dont se gargarisent les magazines. Les rapports avec vos idoles d'antan s'espacent, leurs cd se faisant plus rares sur votre platine... parfois, vous repensez avec nostalgie à ces premiers instants de découverte, ces moments où
la musique vous paraissait une force vitale, irrésistible.
Ceux qui ont été un jour été fans hardcore d'une formation se reconnaitront peut être dans les lignes qui précèdent, notamment si - comme l'auteur de ces lignes - ils ont été adolescents dans les lointaines années 80, et ont vu débarquer en 2009, en l'espace de quelques semaines, de nouveaux albums signés U2, Prince ou Depeche Mode.
Quand on atteint les 30 ans de carrière, la question n'est généralement plus de sortir un chef d'œuvre susceptible de mettre tout le monde à genoux, mais plutôt de produire un album suffisamment digne et efficace pour ne pas ternir une image de légende du rock et atterrir illico dans la catégorie des has been que l'on a vaguement honte d'avoir écouté en boucle à l'époque du lycée. Et à ce petit jeu, certains s'en sortent mieux que d'autres. Depeche Mode par exemple n'a jamais sorti de disque franchement mauvais, même si le mal nommé Exciter de 2001 marquait un certain essoufflement. Le DM cuvée 2009, Sounds of the universe, est plutôt un bon cru. Il se contente certes de synthétiser les différents aspects de la discographie du groupe - electropop sautillante (In sympathy), ballade aux accents gospels (In chains), blues synthétique (Miles away) - mais le songwriting de Martin Gore (renforcé par celui de Dave Gahan depuis Playing the angel) arrive toujours à creuser l'écart avec tous ces petits jeunots influencés par cette vénérable institution qu'est devenu le trio.

Le cas de Prince est plus épineux. Beaucoup de fans lassés par des années d'albums médiocres et une carrière chaotique ont depuis longtemps jeté l'éponge. C'est donc avec la plus grande méfiance que l'on découvre la nouvelle livraison princière, composée de pas moins de trois albums distincts. Passons rapidement sur Elexer (chanté par la dernière "protégée" de Prince en date, une certaine Bria Valente), et MPLSound (orienté funk, globalement consternant) pour nous attarder sur LotusFlow3r, annoncé comme "l'album rock" du lot.
Ce qui n'est pas tout à fait exact puisqu'il s'autorise quelques embardées jazzy sur certains titres. Prince a beau être un authentique guitar hero sur scène, il a rarement fait étalage de ses talents guitaristiques sur un LP complet, à l'exception du très décevant Chaos & Disorder, et du fabuleux (mais pas tout à fait "officiel") The Undertaker.
Ce dernier est d'ailleurs ouvertement cité dès l'intro de LotusFlow3r, clin d'oeil renforcé par la présence de musiciens similaires (l'incroyable section rythmique Sonny T / Michael B). Soyons francs, Prince n'a plus la capacité d'écrire à tour de bras des classiques instantanés et ce n'est certainement pas ce nouvel opus qui va inverser la tendance. Néanmoins, l'ensemble peut s'écouter quasiment en intégralité sans avoir à abuser de la touche next de la télécommande (à l'exception d'un abominable instrumental en milieu de disque). Son hommage à Hendrix, Dreamer, fait même franchement plaisir à entendre avec ses solos de guitare totalement hors norme. Cela suffira-t-il à raviver la flamme chez ses fans déçus, rien n'est moins sûr, mais ceux qui auront fait l'effort de se procurer l'objet pourront se dire, soulagés, que cet album-ci ne prendra au moins pas trop la poussière sur une étagère.

samedi 18 avril 2009

England's best kept secrets

C'est un vendredi soir au mois d'avril à Paris. Le Bataclan n'affiche pas vraiment complet le temps d'un festival regroupant diverses formations anglo-saxonnes. En tête d'affiche, Elbow, groupe qui en l'espace de quatre albums a séduit un large public outre-manche tout en se mettant la critique dans la poche (ils ont notamment remporté le prestigieux Mercury Prize). En France leurs précédents opus sont sortis dans l'indifférence générale et le dernier en date a mis de longs mois avant d'être distribué en catimini par Universal.
Ce désintérêt du public hexagonal est cependant une aubaine de nombreux fans anglais présents ce soir-là, contents de pouvoir assister à un set de leurs héros dans une salle à taille humaine.
90 minutes époustouflantes plus tard, le mystère reste entier : comment un groupe aussi brillant peut-il décemment rester dans l'ombre de Coldplay (rayon pop guimauve) ou de Radiohead (rayon pseudo-expérimentalo-pouet-pouet) ?
Peut-être à cause du manque de prétention apparente de ces musiciens, dont les chansons sont pourtant mille fois plus aventureuses que celles de la majorité de leurs contemporains, mais ne s'ornent d'aucun vernis branchouillo-people susceptible d'exciter les journalistes de la presse musicale pour bobos (suivez mon regard...).

Même cas de figure pour les Doves, autre groupe dont l'excellence a bien du mal à traverser le chanel. Le chanteur ressemble à Oliver Reed, ses acolytes ont le charisme d'une table en formica; bref,les choses sont mal engagées malgré l'accueil bienveillant réservé à leur second LP, The last broadcast (le troisième étant considéré à tort comme moins réussi).
Ces acharnés ont passé des années en studio à peaufiner leur dernière œuvre, Kingdom of rust. Et cela s'entend, vraiment. Production finement ciselée, morceaux variés, ambiances cinématographiques - l'expression est galvaudée, mais parfaitement adaptée ici. Un album à l'ancienne, dont on ne fait certainement pas le tour en quelques écoutes, et qui ne se consomme pas débité en tranches sur le iTunes store. Autrement dit, une rareté, presque un anachronisme. Souhaitons aux Doves de prendre cette fois leur envol (rien de tel qu'un jeu de mot moisi façon Inrocks pour terminer une chronique musicale écrite à une heure tardive...).

http://www.myspace.com/elbowmusic
http://www.myspace.com/dovesmyspace